Le château de l'Œdenbourg, voisin discret du Haut-Koenigsbourg

Propriété de la Collectivité européenne d'Alsace, le site de l’Œdenbourg ou Petit-Koenigsbourg occupe l’extrémité occidentale de la montagne portant le château du Haut-Koenigsbourg, lieu touristique emblématique de l’Alsace. Localisée à une altitude équivalente à celle de ce célèbre voisin, soit 750 m NGF, cette ruine domine le col du Schaentzel situé près de 200 m plus bas.

 

Ce second ensemble castral est constitué par un logis gothique, protégé par un mur-bouclier à l’est et une massive tour maîtresse, située à l’extrémité opposée, qui a été découverte dans la dernière décennie du 20e siècle, et attribuée au début du 13e siècle. Ce château médiéval est protégé par trois fossés coupant la crête gréseuse, dont le plus oriental est placé en regard du Haut-Koenigsbourg, à environ 30 m à l’avant du mur-bouclier. L’assiette de ce fossé est creusée par une carrière ouverte entre 1902 et 1908, afin d’alimenter le chantier de reconstruction du grand château voisin. Cet obstacle protège une enceinte bâtie en blocs réguliers et dont le chemin de ronde est conservé partiellement. Une maçonnerie analogue existe sous le mur de courtine qui protège la tour maîtresse à l’ouest.
Ces deux murs circonscrivent un espace long de 80 m et dont la largeur peut être estimée à une quarantaine de mètres, d’après des arases qui se devinent en arrière du mur oriental. L’essentiel de l’assiette délimitée par cette fortification est donc située dans la partie est du site et au voisinage de la courtine ouest, deux secteurs où vont se concentrer les recherches archéologiques menées de 2023 à 2025.

Une datation qui reste à préciser

La datation de cet ensemble ancien, réinvesti lors des phases successives de construction d’un château plus « classique », reste encore incertaine. Bodo Ebhardt, en dressant l’état des connaissances sur les sites occupant cette montagne, assimilait la fortification à une enceinte protohistorique. Une nouvelle hypothèse était proposée par l’équipe franco-polonaise, rassemblée autour de Charles-Laurent Salch au début de la décennie 1990. L’enceinte était considérée comme une fausse-braie édifiée à la fin du Moyen Âge. Cette théorie était uniquement argumentée par le fait que ce dispositif entourait le château gothique. Dans le même temps, des fouilles menées dans l’intérieur du logis du 13e siècle n’apportaient pas d’éléments plaidant en faveur d’une occupation ancienne. C’est Thomas Biller qui, en 1995, proposait une datation différente, associant l’ouvrage avec des constructions de même type observées ailleurs dans la vallée du Rhin. Le moyen appareil équarri des parements, seul élément de datation utilisable en l’état des connaissances, renvoyait à des analogies à des sites attribués aux 10e-11e siècles.

Sur un plan régional, il est similaire à des enceintes telles que celles de Hohenburg (Mont-Sainte-Odile), du Petit-Ringelsberg, du premier château d’Ottrott ou encore du Koepfel également localisé sur la même commune. Mais ces comparaisons doivent être utilisées avec réserve car, hormis le site d’Ottrott, nos connaissances souffrent d’un cruel manque de fouilles stratifiées. Une attribution à la fin du Premier Moyen Âge peut être, a minima, validée par défaut, puisque celles proposées auparavant ne trouvent pas de points de comparaisons. Le bas Moyen Âge est à rejeter car les maçonneries de la fausse-braie visible au nord, à l’ouest et au sud de l’Oedenbourg sont construites dans un appareil plus petit, très différent de cet ensemble.

Documenter la genèse des refuges et centres de pouvoir

Ce site revêt un intérêt particulier pour la compréhension du processus de création et de développement de résidences élitaires fortifiées sur cette montagne, séparant le val de Lièpvre de la plaine d’Alsace. L’enceinte est placée en regard du col du Schaentzel qui relie ces deux secteurs géographiques, au centre d’un territoire relevant, depuis l’époque carolingienne, de l’autorité de l’abbaye de Saint-Denis. La mise en œuvre diffère des canons constructifs contemporains de la première mention d’un site, en 1147, lorsque l’abbé de Saint-Denis proteste contre l’édification du castrum Estufin par le duc de Souabe. Au-delà de ce constat, la recherche autour de ce site rejoint la thématique de la genèse des refuges et centres de pouvoir bâtis en pierres qui préfigurent le château plus classique connus dans la vallée du Rhin aux 12e et 13e siècles. Les données sur ce sujet sont, en Alsace, relativement indigentes de nos jours et seule la fouille débutée sur le site du Purpurkopf commence à apporter quelques réponses. Cette étude s’intègre, de fait, dans l’axe de recherche développé par l’UMR 7044 Archimède autour des enceintes et sites de hauteurs.

Un projet européen pour les châteaux rhénans

La vallée du Rhin dispose d’une densité de châteaux forts du Moyen-Âge remarquables (environ 300 châteaux forts). Ces châteaux ont été construits à l’essor de la féodalité du 11e au 15e siècle. Ce patrimoine rhénan a la particularité de partager une identité commune par :

  • Son histoire (attachés à de grandes familles seigneuriales rhénanes et du Saint Empire Romain Germanique) ;
  • Son architecture (style gothique) ;
  • Et son implantation géographique (sur les contreforts de la plaine du Rhin et position de domination sur la plaine et de sécurisation d’accès aux vallées).

Malgré l’histoire commune qui lie les châteaux forts du Rhin Supérieur, l’effet frontière est encore bien présent. La barrière de la langue et le manque de connaissance sur le patrimoine de la région voisine sont régulièrement cités comme causes. Fort de ce constat, l’objectif du projet est de valoriser et promouvoir les châteaux forts à l’échelle transfrontalière, du Nord au Sud du Rhin Supérieur et de renforcer l’attractivité du Rhin Supérieur comme une « Terre de Châteaux forts ».

Ce projet de fouille s’inscrit dans le cadre du projet « Châteaux rhénans - Burgen am Oberrhein », porté par la Collectivité européenne d’Alsace et les Länder Bade-Wurtemberg et Rhénanie-Palatinat, qui bénéficie d’un cofinancement FEDER de 2,8 M€ dans le cadre du programme INTERREG Rhin Supérieur. Un axe de recherche associé à ce projet concerne la naissance du château, en association avec un projet de fouilles partenaire, programmé sur le château de Rötteln, au sud-ouest du Bade-Wurtemberg. Voisin discret d’un lieu fréquenté annuellement par plus d’un demi-million de visiteurs, l’ensemble constitue une sorte de « belle endormie » depuis l’interruption des travaux diligentés par le Centre des Monuments Nationaux et liée à son transfert au département du Bas-Rhin en 2007. L’étude proposée s’intègre, à ce titre, dans un schéma de valorisation et d’élargissement de l’offre de visite aux publics.

Arrière-plan : © Archéologie Alsace


GÉNÉRIQUE

Propriétaire

Collectivité européenne d'Alsace

Responsable scientifique 

Jacky KOCH

Collaborateurs    

à compléter

Prescription et contrôle scientifique

Direction régionale des affaires culturelles du Grand Est - service régional de l'archéologie

Financement et soutien

Union Européenne, Collectivité européenne d'Alsace, Archéologie Alsace

 

 


LIENS

Le programme Interreg Rhin Supérieur >>
Le projet « Châteaux rhénans » >>


CONTACT

jacky.koch@archeologie.alsace >>